Espace public: un usage inattendu
La nature d’un espace urbain architecturé (c.a.d. conçu comme tel), n’est pas seulement aménagement par des intentions, des dessins, des formes, des matériaux et des mobiliers urbains, mais aussi fonctions et usages.
La conception des espaces publics peut considérablement orienter et transformer ses fonctions et usages. Lors de l’étude d’un lieu, certaines données peuvent être facilement répertoriées, analysées au point de les isoler d’un contexte et devenir données abstraites.
La réalité urbaine est évidemment plus complexe, où les rapports entre les éléments constitutifs interviennent activement mais constituent des données difficiles à démonter et à démontrer.
Des écarts important peuvent exister entre l’espace conçu et l’espace vécu (et sa 4ème dimension, celle du temps et du parcours, c’est à dire celle de l’usage).
Ainsi l’exemple de cette fonction éphémère (quais aux briques et bois-à-brûler, à proximité de l’église Ste-Catherine à Bruxelles) dans un espace public, aménagé dans les années 80, de manière académique et sans beaucoup d’imagination, découvre une fonction inattendue et imprévue dans l’espace urbain et transforme la valeur décorative du bassin, en forme active dont les kayaks et les enfants sont acteurs. Elle casse la rigidité de la composition symétrique et monumentale et lui donne une échelle humaine.
Renouvelée chaque année, cette activité ludique s’inscrirait sans doute dans la mémoire des enfants, et donc dans la mémoire collective du quartier et de la ville à long terme.
L’exemple de Paris et les bassins des jardins du Luxembourg et des Tuileries, où, depuis le 19ème S., les enfants jouent à faire naviguer de petits bateaux à voiles, s’inscrit dans la mémoire des parisiens, de générations en générations, et donne un usage aux bassins très différent de leurs usages originels: abreuvoirs avant de devenir décorations paysagères.
ANNEXE:
Auteur de ce bassin devenu plaine de jeux, il est à observer que les terrasses des restaurants relèvent plus d’un isolement avec l’espace public (les parois et les tentes font office de frontières physiques et ferment les bords du bassin en une succession de petits espaces introvertis) que d’une participation intégrée avec ses différentes fonctions que sont les passages, les promenades et les rencontres … entre autres.
Sans ambiguïté, il y a un usage de refus de l’espace urbain malgré la fonction, par essence, publique, de la restauration.
On peut à nouveau faire un parallèle parisien avec les (très nombreuses) terrasses des bistrots et cafés, ouvertes sur les boulevards, pour voir … et être vu, et qui participent activement à la vie urbaine.
Les terrasses sont avant tout, des extensions des restaurants, construites comme des annexes, dont la qualité aérée est la seule justification et dont les abords sont considérés comme lieux des rangements … dans le meilleur des cas ! Ces rangements le long des parois sont d’ailleurs l’expression symbolique de la négation de l’espace public où seul le panorama visuel à partir d’un point de vue: celui d’un client installé à une table de la terrasse, est pris en considération.
On peut donc parler d’une non-intégration à l’espace public, mais pas entièrement car elles offrent une forme d’animation urbaine, ne fusse que par la présence humaine où les vitres, même si elles sont frontières physiques, permettent des relations visuelles réciproques, mais sans valeurs similaires, entre les clients (vues passives vers l’espace public) et les usagers (regards actifs vers les terrasses, considérés comme des vitrines).
Toutes les terrasses? non … sauf une! … ouverte et accueillante, tant aux clients qu’aux usagers, et intégrée à l’espace public (au point de ne pas la distinguer facilement sur la photo).